Survivre à un entretien d’embauche en Israël, niveau : Olim

J’avais décidé que ce serait LE jour où ma vie professionnelle en Israël commencerait. J’avais mis mon plus beau brushing, mon CV sur du papier trop stylé (qui coûte trois fois plus cher quand tu l’achètes à Dizengoff), et un parfum léger mais qui dit quand même “je suis une femme organisée et ambitieuse”. Puis j’ai découvert que l’entreprise était au 4ᵉ étage, sans ascenseur. J’arrive donc avec la grâce d’un cheval à bout de souffle, le cœur qui bat comme si j’avais grimpé le Mont Meron en talons et en jean slim. Le recruteur me regarde et dit : “At rotsa mayim ?” (Tu veux de l’eau ?) Je lui réponds “Non merci”, mais clairement, oui, je veux de l’eau, de l’air et un défibrillateur.

On s’assoit. Il me lance un “Ma nishma ?” (Comment ça va ?) très détendu. Et moi, pleine de confiance culturelle : “Oui.” Silence. Long silence. Je peux entendre ma dignité quitter la pièce. Il prend une bamba dans un sachet posé entre nous. Je me demande si je dois en prendre une aussi. Est-ce que c’est un test ? Il me demande ensuite, la bouche pleine : “Sur une échelle de 1 à 10, t’es motivée comment ?” Je panique et réponds “11”, comme si j’étais dans X Factor. Il hoche la tête, satisfait, comme si j’avais donné un super KPI de start-up.

Puis arrive le moment que je redoutais : “Et l’hébreu ?” J’avais appris trois phrases sur Duolingo, j’étais prête. Je dis “Ani…” et mon cerveau décide de redémarrer comme Windows 98. Je termine par “Ani… pitom.” (“Je… soudain.”) Voilà. Je viens de déclarer être soudain. C’est sûrement une compétence recherchée quelque part. Il me regarde avec ce sourire encourageant des Israéliens : “Yalla, ça va venir.” Je ne suis pas sûre que c’est ce qu’il pense vraiment mais je prends. Il me montre un tableau Excel plein de nombres. Je tente un clic, je fais disparaître la moitié des données. Je souris. Lui aussi. Un sourire différent du mien : le sien ressemble à “que quelqu’un m’apporte un café, j’en peux déjà plus”.

Puis la fameuse question qui sort de nulle part :
 — Tu vis seule ?
 Je réponds oui.
 — Sababa, tu seras tranquille pour les horaires.

Je ne sais pas si je dois dire merci ou appeler un syndicat.

Le final : il se lève, me serre la main avec un sourire très compatissant et me dit “On te rappelle.” Alors qu’on sait tous les deux très bien que personne ne me rappellera jamais. Mais je sors de là étrangement fière. Je suis toujours en vie. Je suis officiellement passée par mon premier entretien israélien. Sans pleurer. Ou du moins, pas tout de suite, j’ai attendu d’être dans l’escalier, au 3ᵉ étage.

Ce que j’ai compris ? En Israël, parler parfaitement l’hébreu n’est pas obligatoire. Parler tout court, essayer, se lancer avec un énorme “yalla”, ça suffit pour commencer. Il faut un CV court, un sourire sincère, un peu de culot, et beaucoup de bamba. Et si tu as survécu à ton premier entretien ici… mazel tov : tu peux survivre à tout. Bienvenue au club. On a des bambas.

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