L’épée dans la pâte.

Nous sommes à moins de deux semaines de Roch Hachana.
Mon mari, qui sert dans l’armée, m’a demandé de lui acheter un drone et de le lui envoyer avec des hallot pour Chabbat. Ce n’est pas facile pour moi d’endosser le rôle d’une vraie femme juive israélienne, l’épouse d’un soldat. Mais je sais que c’est la seule voie possible pour moi. Alors je porte le poids de mon inquiétude, soutenue et entourée par une vaste communauté de femmes dans la même situation.

Ensemble, nous nous tenons par la main alors que nos maris répondent à un appel profond au fond d’eux.

Je réalise que nous ne pouvons pas contrôler leurs vies.

Tous ceux qui servent dans la réserve pourraient, techniquement, éviter cela. Ils pourraient trouver des excuses. L’armée ne punit pas si sévèrement une fois qu’on est sorti du service obligatoire. Sachant cela, ils choisissent pourtant de servir. Et dans nos cœurs, nous le savons.

Mais cela signifie aussi… qu’ils choisissent de nous laisser gérer seules la maison. À moins que, peut-être, ils ne choisissent pas vraiment cette partie-là. Peut-être que ce n’est qu’une conséquence de leur choix. Et nous, les épouses qui aimons nos âmes-sœurs, nous savons ce que cela implique.

Ainsi, d’une certaine manière, le choix n’est pas seulement le leur, c’est aussi le nôtre. Ils peuvent ouvrir la voie, mais la mitsva est partagée, nous liant à une grande responsabilité. Tandis que nos chemins physiques semblent diverger, nos chemins spirituels se croisent et se fondent plus profondément que jamais.

C’est cette histoire que je veux partager, parce qu’elle me donne encore des frissons quand j’y pense.

Alors je prépare les hallot. Et je sais qu’elles sont destinées à être mangées par toute l’unité de mon mari. Et tandis que je pétris et que je façonne, je me surprends à espérer qu’elles seront vraiment bonnes… pour que tous ses camarades pensent : « Waouh, sa femme est une si bonne cuisinière. »

Et puis je me suis arrêtée. J’ai pensé : Vraiment ? C’est ça l’intention que je mets dans ces hallot ? Mon orgueil ?

L’orgueil n’est que du vide. Il sert l’ego, mais que sommes-nous, nous-mêmes, dans ce monde ? Des coquilles vides. La seule façon d’exister vraiment avec de la substance, c’est parce que nous sommes connectés à Hachem. C’est Lui qui nous insuffle la vie, à chaque seconde.

Au moment où je me concentre sur moi-même, je perds cette essence. Inutile.

Mon mari sert dans l’armée d’Hachem, et moi je m’inquiète de savoir combien de personnes se souviendront de mes hallot ?

Un peu ridicule.

Alors, là, j’ai corrigé mon approche et j’ai fait téchouva.

J’ai dit à Hachem :
 « S’il Te plaît, que ma véritable intention soit que ces hallot leur apportent de la joie, non pas pour moi, mais afin que leur joie les relie à la beauté et à la douceur du Chabbat. Que même dans ce désert que nous appelons Gaza, ils puissent ressentir de l’émerveillement, ressentir la Yirat Chamaïm. Que ce petit plaisir les relie à la vie. Et par ce lien, qu’ils Te servent avec passion, avec présence, avec cœur. Qu’ils soient inspirés. »

Quelques heures plus tard, alors que je sortais les hallot du four, baignées de leur parfum venu du Olam Haba, j’ai entendu frapper à la porte.

Il n’y avait personne.

Mais alors que j’allais la refermer, j’ai baissé les yeux et vu un petit colis, long et rectangulaire.

Je me suis penchée, je l’ai ramassé, intriguée. Quand je l’ai ouvert, j’ai vu l’étiquette : Hidabroot, l’organisation du Rav Zamir Cohen, à laquelle mon mari donnait son maasser.

Et à l’intérieur : un couteau à hallah. Un magnifique couteau, plaqué argent, gravé, pour trancher le pain de Chabbat avec crainte et kavod.

Je rêvais depuis longtemps d’avoir un tel couteau. Et le voilà, à ma porte, juste au moment où je sortais ce lot de hallot façonné avec tant d’intention.

Il ressemblait à une épée.

Et j’ai compris : Hachem me montrait que ce sont les mitsvot qui sont les épées d’Am Israël. Elles tranchent les mensonges. Elles tranchent la ga’avah (l’orgueil), qui est une déconnexion de Lui.

Quand nous nous relions à Lui, nous gagnons chaque guerre. Et nous contribuons à amener la rédemption, non seulement pour nous-mêmes, mais pour le monde entier.

Quand j’ai raconté cette histoire à ma Rabbanite, elle a ajouté (non sans émotion) qu’il existe une minhag d’acheter un nouveau couteau avant Roch Hachana. Cela symbolise le fait de trancher le din, les jugements sévères, et d’attirer la miséricorde à la place.

Et j’ai compris encore autre chose : renoncer à l’orgueil, cela aussi, c’est de la mesirout néfesh.

Cela signifie abandonner le désir du corps d’être glorifié sans raison. C’est ainsi que nous attirons sur nous protection, kapara et bra’ha.

Tout comme mon mari a donné son corps pour servir Hachem dans l’armée, j’ai renoncé à mon orgueil d’être vue comme « une bonne épouse cuisinière ».

Et ce petit changement a fait descendre une bénédiction que je n’aurais jamais pu imaginer.

Nous, les épouses de soldats, nous ne réalisons peut-être pas l’impact de ce que nous faisons , chaque seconde du jour, dans le partenariat silencieux avec les hommes en première ligne.

Nous ne le voyons peut-être pas, mais nous guérissons Am Israël simplement en faisant la volonté d’Hachem, en gardant Ses mitsvot, et en travaillant, encore et encore, à rester connectées à Lui.

Le rôle d’un homme et celui d’une femme sont différents. Les lieux où nous œuvrons et élevons ce monde sont différents. Mais au final, nous sommes deux faces d’une même pièce. Une seule nechama.

Et je sais que nous vaincrons, parce que Hachem est avec nous.

Tout cela m’a fait me demander… Peut-être devrais-je préparer des hallot chaque fois qu’un patient vient en thérapie. Peut-être que l’odeur seule éveillerait l’âme encore plus que n’importe quelle séance de thérapie.

Traduit avec l’aimable accord de l’auteur, Chloé Esther Cohen

Pour le texte original : https://www.insidethework.net/post/the-sword-in-the-dough

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