Trois influenceuses ? Sarah, Myriam et Déborah

Pourquoi ces trois figures bibliques méritent-elles le titre d’influenceuses ?

Dans notre époque obsédée par les réseaux sociaux et les followers, le concept d’influence peut sembler moderne. Pourtant, la Torah nous enseigne depuis des millénaires une leçon fondamentale : il existe une différence profonde entre le pouvoir et l’influence. Et c’est cette distinction qui nous permet de comprendre pourquoi trois femmes exceptionnelles – Sarah, Myriam et Déborah – méritent pleinement le titre d’influenceuses.

Pouvoir vs influence : comprendre la différence

Imaginons une expérience simple. Si vous détenez un pouvoir absolu et le partagez avec neuf autres personnes, vous ne possédez plus qu’un dixième de ce pouvoir. Mais si vous avez de l’influence et la partagez avec neuf partenaires, vous obtenez dix fois plus d’impact qu’avant.

Le pouvoir fonctionne par division, l’influence par multiplication. (Rabbi Jonathan Sacks)

C’est exactement ce que nous voyons dans l’épisode des 70 anciens (Bamidbar 11). Quand Eldad et Médad se mettent à prophétiser dans le camp, Josué s’inquiète : « Mon maître Moïse, empêche-les ! » Mais Moïse répond avec sagesse : « Puisse tout le peuple de l’Éternel être prophète ! »

Moïse comprend que l’influence spirituelle ne diminue pas quand on la partage – elle se multiplie.

Sarah, la prophétesse silencieuse

Une vision plus juste qu’Abraham

Sarah incarne parfaitement ce leadership par influence. Quand elle demande à Abraham de renvoyer Agar et Ismaël, Abraham hésite. L’homme de bonté (hessed) qu’il est ne comprend pas cette décision apparemment dure. Mais Dieu intervient : « Tout ce que te dira Sarah, écoute sa voix » (Genèse 21:12).

Le commentaire de Rashi est saisissant : Sarah était plus prophétesse qu’Abraham lui-même. Elle percevait ce qu’il ne voyait pas – le danger spirituel que représentait Ismaël pour Isaac.

La lumière du foyer

Le Midrach enseigne que trois miracles accompagnaient Sarah :

  • la lumière qui brûlait de Chabbat en Chabbat

  • la bénédiction dans la pâte

  • le nuage divin au-dessus de sa tente

Quand Sarah meurt, ces bénédictions disparaissent. Elles ne reviendront qu’avec l’arrivée de Rebecca. Sarah transformait l’espace non par le pouvoir, mais par sa présence, sa foi, sa pureté intérieure.

Myriam, l’influence communautaire

La prophétesse du peuple

Myriam est directement appelée « la prophétesse » par la Torah (Exode 15:20). Mais contrairement à son frère Moïse qui chante seul après la traversée de la mer Rouge, Myriam entraîne tout un collectif : « Toutes les femmes la suivirent avec tambourins et danses. »

Son influence est émotionnelle, spirituelle, communautaire. Elle s’adresse spécifiquement aux femmes et les mobilise avec joie, chant et mouvement.

Le puits du mérite

Le Talmud enseigne que le puits d’eau dans le désert existait par le mérite de Myriam. Ce n’est pas un pouvoir visible, mais une bénédiction continue, silencieuse, qui soutient tout le peuple pendant 40 ans.

Quand Myriam est frappée de tsaraat pour avoir critiqué Moïse, le peuple entier refuse d’avancer tant qu’elle n’est pas guérie (Nombres 12:15). Preuve que son rôle, bien qu’informel, était central pour l’unité nationale.

Déborah, la visionnaire du peuple

Juger par la sagesse, non par la force

Déborah cumule les titres de prophétesse et de juge d’Israël. Mais contrairement aux autres juges militaires, elle siège sous un palmier, à ciel ouvert, recevant ceux qui viennent volontairement vers elle.

Elle ne dirige pas depuis un palais ou un tribunal, mais dans l’écoute et l’accueil. Le palmier symbolise la droiture, la clarté, la pureté.

Mobiliser sans dominer

Face à la menace de Sissera, Déborah ne prend pas l’épée. Elle fait appeler Barak et lui transmet la parole divine. Quand il demande qu’elle l’accompagne, elle accepte, mais précise : « La gloire ne sera pas pour toi » (Juges 4:9).

Elle ne cherche pas la gloire personnelle. Elle délègue l’action tout en assurant le cadre spirituel. D’ailleurs, la victoire finale reviendra à Yaël, une femme simple, sans titre.

Le chant qui élève

Le cantique de Déborah (Juges 5) est un chef-d’œuvre d’influence par la parole. Elle utilise le chant, la louange, la mémoire historique – pas l’ordre ou la force. Déborah n’a jamais conquis. Elle a éveillé.

Le contre-modèle : Izevel

Pour mieux comprendre ces trois figures, il est instructif de les comparer à Izevel, épouse du roi Achab. Izevel détient un pouvoir royal considérable, qu’elle utilise pour :

  • manipuler la justice (l’affaire Nabot)

  • détruire les prophètes de l’Éternel

  • imposer l’idolâtrie par la force

  • pervertir les codes religieux et sociaux

Là où Sarah, Myriam et Déborah élèvent, Izevel détruit. Là où elles inspirent, elle manipule. Là où elles construisent, elle pervertit.

L’influence au quotidien : une leçon actuelle

Cette leçon biblique résonne puissamment à notre époque. Prenons l’exemple de Léa, 25 ans, qui travaille dans une startup. Sans aucun poste de direction, elle remarque les tensions dans l’équipe et décide d’agir par l’influence :

  • elle salue chaleureusement chaque matin

  • remercie sincèrement ses collègues

  • propose des idées sans écraser les autres

  • encourage ceux qui doutent

Peu à peu, les comportements changent autour d’elle. D’autres prennent exemple, les échanges deviennent plus respectueux. Léa n’était pas cheffe de projet… mais elle est devenue leader.

Conclusion : choisir l’influence comme mode de leadership

Nous ne possédons pas tous le pouvoir, mais nous avons tous de l’influence. Les formes de leadership les plus importantes ne viennent ni d’un poste, ni d’un titre, mais de la volonté de coopérer avec d’autres pour accomplir ce que nous ne pouvons pas faire seuls.

Sarah, Myriam et Déborah nous enseignent que l’influence transforme les personnes en personnes capables de transformer le monde. Elles incarnent une vérité éternelle : le véritable leadership n’impose pas, il inspire. Il ne domine pas, il élève.

Dans un monde souvent obsédé par le pouvoir, ces trois femmes nous rappellent qu’il existe une voie plus haute, plus pure, plus durable : celle de l’influence au service du bien.

Choisis toujours l’influence plutôt que le pouvoir. Elle transforme les personnes… en personnes capables de transformer le monde.

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